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La route de l'uranium: de la Mine au coeur du réacteur

Auteur: baddak
Date: le 02/10/2009 à 17:31
En France, 80 % de l'électricité est issue du nucléaire, énergie née de l'atome d' un minerai unique : l'uranium. Depuis les mines arides du Niger jusqu'au cœur du réacteur, nous avons suivi la route de l'uranium. Et ses métamorphoses. Pour que la lumière soit...

La déflagration retentit, puissante dans le silence du désert rouge, produisant un nuage de poussière compact. 14 heures dans la mine d'uranium à ciel ouvert d'Arlit, au nord du Niger. 45 degrés à l'ombre. Pas d'ombre. Comme chaque jour, une tranche de montagne vient de s'affaisser : du travail pour vingt-quatre heures. A peine le brouillard dissipé, les engins gagnent le terrain, camions, pelleteuses, titans de métal, gigantesques. Planté au pied de l'un d'entre eux, qui dirige les opérations, un homme minuscule s'agite dans le chaos minéral. Un masque accroché sur son nez filtre l'air qu'il respire. A sa ceinture, un respirateur comptabilise l'exposition aux particules alpha issues du radon, un gaz radioactif d'origine naturelle, cancérigène à haute dose - santé sous haute surveillance. Puis les titans acheminent la pierre stérile hors de la fosse. Seule une petite quantité, dont les rayons gamma ont été décelés par les compteurs Geiger, gagnera l'usine située à quelques kilomètres : la roche contenant de l'uranium. Trois à quatre kilos seulement par tonne de minerai. Ici, Areva (détenue à 91 % par l'Etat français), exploitant les deux mines d'Arlit - la seconde étant souterraine -, est le premier employeur privé du pays avec 2 000 salariés. En France, l'uranium du Niger alimente un tiers des 58 réacteurs nucléaires, qui fournissent 80 % de la production électrique. L'usine aussi semble irréelle, cuirassée de tuyaux, quelque part entre Mad Max et le Centre Pompidou. Après avoir été broyée, la roche contenant de l'uranium y subit un processus chimique au cours duquel le précieux minerai est séparé du reste de la matière. Le matériau se transforme, apparaît finalement sous forme d'une terre bouton d'or, pure à près de 75 % : l'uranat que tous appellent yellow cake. Broyé puis enfûté dans des bidons bleus de 600 kilos, l'uranat rejoindra, en camion, le port de Cotonou (Bénin), puis la France.

- Narbonne : la purification

La grande métamorphose démarre alors, processus de transformation de l'uranium naturel en uranium enrichi. Pour y parvenir, trois cycles chimiques seront réalisés dans trois usines implantées au sud de la France. Il s'agit d'atteindre la pureté nucléaire. D'augmenter le pourcentage d'uranium 235 - seul atome fissile naturel -, présent dans le minerai à hauteur de 0,7 %, à une proportion d'environ 4 % nécessaire au fonctionnement des réacteurs (pour le nucléaire militaire, l'enrichissement monte à plus de 90 %).

Première étape à Narbonne dans l'usine Comurhex-Malvési, filiale d'Areva, unique point d'entrée en France du yellow cake. Sur le parc d'entreposage sont empilés les fûts d'uranium bleus venus du Niger. D'autres aussi, jaunes, rouges ou verts acheminés depuis le Kazakhstan, le Canada, l'Australie ou l'Afrique du Sud.

L'usine répond à une double mission : purifier l'uranium, puis lui ajouter quatre atomes de fluor afin de le transformer en tétrafluorure d'uranium (UF4). Une fois encore les installations sont spectaculaires, la colonne de purification s'élevant à 28 mètres. A la sortie, l'UF4 - uranium pur à près de 95 % -, conditionné en citernes sous forme d'une poudre vert sombre, gagne le site du Tricastin.

- Pierrelatte : l'enrichissement

Deux géantes accueillent le visiteur, cheminées aux formes de sablier coiffées d'une vapeur immaculée. D'une superficie de 650 hectares, le Tricastin emploie plus de 2 500 personnes. Ici, l'on produit 23 % de l'uranium enrichi mondial - les trois autres quarts se répartissant à parts presque égales entre les Américains, les Russes et un consortium regroupant Anglais, Hollandais et Allemands. Première escale dans les ateliers de Comurhex-Pierrelatte, au nord-ouest du site, où deux atomes supplémentaires de fluor sont ajoutés à l'UF4, le transformant en UF6. Composé de cristaux transparents, solides à température ambiante, l'UF6 devient gazeux à 60 °C. C'est sous cette forme, par diffusion gazeuse, qu'il sera enrichi.

Salle des machines de l'usine Georges-Besse, 80 °C : les 70 groupes de 20 diffuseurs, gigantesques conduites intestines reliées entre elles, fonctionnent sans discontinuer depuis trente ans. Dans un diffuseur pourvu, en son ventre, de parois de céramique poreuses, on injecte l'UF6. Plus légères, plus rapides donc, les molécules 235 traversent plus aisément les parois. Travail en cascade, le gaz enrichi s'engage dans le diffuseur suivant selon le même procédé, puis dans le suivant, jusqu'à 1 400 fois avant d'atteindre la teneur « commerciale ». Un fonctionnement à très haute consommation électrique, quatre réacteurs étant nécessaires à l'alimentation de l'usine : le plus important client d'EDF en France.

Une charge extrêmement lourde. Ainsi naquit le projet Georges-Besse II, une usine d'enrichissement par centrifugation, technologie plus efficace, que les Allemands, Anglais et Hollandais commencèrent à développer dès les années 70 et dont les performances se trouvèrent accélérées avec l'apparition de nouveaux matériaux nécessaires à la fabrication des centrifugeuses. Comme la fibre de carbone, par exemple. Principe de la centrifugation : faire tourner un rotors à très haute vitesse à l'intérieur d'un cylindre contenant de l'UF6, la vitesse de rotation ayant pour effet de concentrer les molécules les plus légères (235 UF6) vers le centre, propulsant les plus lourdes vers l'extérieur.

Sur le chantier de la nouvelle usine, le niveau d'alerte est maximal. Objectif : éviter toute prolifération. Les centrifugeuses y arrivent démontées en provenance de différents lieux. Le travail d'assemblage est segmenté, les ingénieurs accrédités secret-défense. Plusieurs barrages filtrent le passage du peu de personnel autorisé à accéder à la salle des centrifugeuses, « la forêt », point sensible de la défense nationale. Un projet à 3 milliards d'euros dont la construction a démarré en 2006 et dont l'exploitation pourrait commencer à la fin de l'année.

- Romans : l'assemblage

Pour l'heure, l'UF6 enrichi et refroidi quitte l'usine dans des conteneurs hermétiques. Pas de risque nucléaire à ce stade. C'est de l'uranium que l'on transporte, enrichi, certes, mais de l'uranium seulement. Destination Romans où seront fabriqués les assemblages combustibles qui intégreront le cœur des réacteurs. Un cycle de quatre semaines. Là, l'UF6 chauffé à 90 °C auquel on injectera de la vapeur d'eau et de l'azote est transformé en poudre noire qui, chauffée à 1 780 °C, onze heures durant, sort sous forme de pastilles de dix millimètres de diamètre, lourdes de sept grammes. L'équivalent énergétique de 56 tonnes de charbon... Ici, 250 millions de pastilles sont fabriquées chaque année. Puis introduites dans des tubes de zirconium. Deux cent cinquante tubes seront ainsi assemblés dans un squelette métallique de près de quatre mètres de hauteur. Le combustible est prêt.

- Au cœur du réacteur : la fission nucléaire

Pour activer un réacteur, il faut installer en son cœur 193 assemblages, qui vivront en moyenne quatre années. Puis les bombarder de neutrons. Fission nucléaire : en se cassant, l'atome d'uranium libère deux ou trois neutrons qui, à leur tour, frappent d'autres noyaux. C'est la réaction en chaîne, génératrice de chaleur. Dans le réacteur, une eau à 320 °C, maintenue sous pression, chauffe le générateur de vapeur. C'est cette vapeur qui actionnera les turbines (quel chemin parcouru pour produire de la vapeur !). Des turbines à l'alternateur, jusqu'aux lignes à très haute tension. Puis à haute tension. Les fils électriques, veines irrigant les villages, les villes, l'électricité enfin, gagnant les maisons, les bureaux, les appartements. Actionnez l'interrupteur : lumière...

- La Hague : le recyclage

Il serait formidable que l'histoire s'achève là. Mais tel n'est pas le cas. Car démarre à présent le cycle le plus problématique : la gestion des résidus ultimes qu'aucune technologie ne permet de désactiver et qui contiennent la quasi-totalité de la radioactivité.

A ce jour, 97 % des matières énergétiques présentes dans les combustibles usés sont recyclables. A l'usine de la Hague, près de Cherbourg, on traite les combustibles usés des électriciens français comme étrangers, japonais, allemands, suisses, britanniques, belges, néerlandais... Les résidus ultimes, vitrifiés et conditionnés dans des conteneurs d'acier inoxydable, seront renvoyés dans leur pays d'origine. Ceux provenant des centrales françaises, entreposés dans un bâtiment de stockage. 2 393 m3 représentant la totalité des résidus ultimes français des trente dernières années. C'est peu. C'est trop. La recherche continue. Tout comme celle, indispensable, ayant trait au dévelopement des énergies propres.

Re: La route de l'uranium: de la Mine au coeur du réacteur

BenOmar
Auteur: BenOmar
Date: le 12/10/2009 à 19:33
C'est quand même interessant. Je ne savais pas que cette route était si longue.
Merci monsieur baddak de partager ces importantes informations.

Re: La route de l'uranium: de la Mine au coeur du réacteur

Auteur: Michel PONS
Date: le 13/10/2009 à 08:50
Chers amis,

Pour celles et ceux d'entre-nous qui continuent à s'intéresser à la question du Nucléaire et à ses implications, je vous fais suivre l'article ci-après qui me semble instructif. Cependant, je vous prie de m'excuser quant à sa longueur.

Cordialement.
Michel PONS



vendredi 2 octobre 2009 (Source : paperblog)
Nucléaire franco-iranien et terrorisme ou le prix à payer !

Et oui (soupir) le nucléaire franco-iranien existe.

Il existe au travers de la société Sofidif (Société franco-iranienne pour l’enrichissement de l’uranium par diffusion gazeuse).
Pour information l’Iran enrichit son uranium selon la méthode des Zippe-type centrifugeuses et non par diffusion gazeuse.
L’ingénieur Abdul Kadeer Khan a diffusé cette technologie russe à l’origine du Pakistan, à la Corée du Nord, à la Lybie et à l’Iran.

Les centrifugeuses iraniennes sont installées en cascade de 164 pièces c’est-à-dire en série dans un premier temps puis les séries en parallèle afin d’enrichir de plus en plus l’uranium. Donc, à ce jour, une société franco-iranienne participe à la production française d’enrichissement d’uranium de la centrale Georges Besse (anciennement Tricastin-Pierrelatte) dans la Drôme. Cette centrale est gérée par le consortium Eurodif (filiale d’Areva, 59,66% du capital) détenu par la France, la Belgique, l’Italie et l’Espagne et à 25% par la société Sofidif donnant ainsi une part de 10% d’Eurodif à l’Iran.

L’un des administrateurs de Sofidif étant Seyed Mohammad Ali Hosseini, lequel est porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères tout en étant ambassadeur d’Iran en Arabie Saoudite.

Eurodif produit à ce jour 25% de la consommation mondiale d’uranium enrichi en exploitant 90 réacteurs à eau pressurisée.

Prenons l’histoire à son début : Eurodif a été crée en 1973 entre cinq pays : la France, l’Italie, l’Espagne, l’Italie et la Suède. En 1975 la Suède vend ses parts d’Eurodif à une société, la Sofidif gérée alors par la Cogéma (gouvernement français) et le gouvernement iranien. Sofidif, aujourd’hui propriété d’Areva/Iran, acquiert alors 25% d’Eurodif dont 10% appartiennent à l’Iran ce qui est toujours le cas.

En contre partie, le Shah prête un milliard de dollars à la France pour la construction de Tricastin Pierrelatte, l’accord prévoit aussi que l’Iran pourra acheter 10% de la production d’uranium de la centrale. L’Iran prête de nouveau 180 millions de dollars en 1977.
En 1979 l’usine Eurodif est inaugurée par Raymond Barre pendant que Khomeiny prend le pouvoir en Iran. L’ayatollah rend caduque un contrat passé avec la France concernant la fourniture de centrales nucléaires mais maintient la participation de l’Iran dans la société Eurodif. La France refusera à l’Iran l’exercice du statut d’actionnaire d’Eurodif.

En 1981, l’Iran réclame à la France les 10% de la production d’uranium, comme prévu contractuellement sous le régime du Shah, nouveau refus. Alors, commence la série d’attentats et de prises d’otages organisés par les services iraniens contre la France, ses personnes et ses biens.

Pour mémoire, concernant les attentats :
- 7 déc. 1985 : Deux explosions se produisent successivement au rayon vaisselle du sous-sol des Galeries Lafayette et au rayon parfumerie du rez-de-chaussée du Printemps Haussmann, faisant au total 43 blessés. L’enquête démontre la responsabilité du Hezbollah.
- 3 fév. 1986 : Une explosion au rez-de-chaussée de la galerie du Claridge, avenue des Champs-Elysées, également attribuée au Hezbollah, fait un mort et huit blessés.
- 4 fév. 1986 : Une explosion suivie d’un incendie au sous-sol de la librairie Gibert-Jeune, place Saint-Michel, blesse cinq personnes. L’acte s’inscrit également dans la liste des attentats commis par le Hezbollah en France entre décembre 1985 et septembre 1986.
- 5 fév. 1986 : Une explosion au magasin Fnac-Sport du Forum des Halles fait 22 blessés.
- 20 mars 1986 : Un attentat par explosif dans la galerie Point Show, avenue des Champs-Elysées, fait deux morts et 29 blessés. Ce jour-là, Jacques Chirac prenait ses fonctions de premier ministre de la première cohabitation.
- 12 sept. 1986 : Une explosion dans la cafétéria du magasin Casino au centre commercial Les Quatre Temps à la Défense blesse 54 personnes.
- 17 sept. 1986 : L’explosion d’une bombe devant le magasin Tati, rue de Rennes, fait un carnage : 7 morts et 55 blessés.
Ces attentats étaient perpétrés par trois équipes du Hezbollah soutenu par l’Iran, les deux équipes du réseau logistique, celle de Hamade et celle de Fouad Saleh puis l’équipe opérationnelle dirigée par Mazbou puis par Haïdar, ces artificiers ne venaient que pour les attentats et rentraient ensuite au Liban. Voici le premier type de réponse de la théocratie au refus français.
Vint le dramatique épisode du 17 novembre 1986, soit l’assassinat de Georges Besse –hommage lui soit rendu-, patron d’Eurodif. George Besse fut lâchement assassiné devant le seuil de son immeuble le 17 novembre au soir, un crime revendiqué par Action Directe. Il ne fait pas de doute que le commando d’Action Directe était sur place, mais il ne fait pas de doute non plus qu’Action Directe avait des liens avec le terrorisme rouge européen et avec le terrorisme libanais. L’assassinat de George Besse était une commande des services iraniens. La défense paranoïaque des criminels lors de leur procès, orientée sur la dialectique anti capitaliste n’était qu’esbroufe, George Besse n’est pas mort en tant que PDG « capitaliste » de Renault, mais comme patron d’Eurodif hostile à toute négociation avec l’Iran. Comment ne pas penser d’ailleurs à l’assassinat du Général René Audran le 25 janvier 1985 par le même commando en sachant que le Général Audran était responsable des affaires internationales au Ministère de la Défense.

L’affaire des otages : le Hezbollah prend en otages le 22 mars 1985 Marcel Carton et Marcel Fontaine, deux diplomates, puis deux mois plus tard le journaliste Jean-Paul Kaufmann et le chercheur Michel Seurat (mort en captivité en mars 1986), puis les journalistes Philippe Rochot, Georges Hanse, Aurel Cornéa et Jean-Louis Normandin et enfin Roger Auque, aussi Camille Sontag et Marcel Coudari ainsi que les passagers du bateau le Silco dont la française Jacqueline Valente et ses filles.
Ces prises d’otages sont l’œuvre du Hezbollah, avec en arrière-plan soit direct, soit indirect l’Iran, toujours est-il que les négociations pour leur libération furent conduites avec l’Iran.

Un odieux marchandage s’installe alors, l’Iran ne promet à aucun moment de faire cesser attentats et prises d’otages mais pose quatre conditions pour intercéder en leur faveur :
-Le remboursement du prêt accordé par le Shah,
- L’arrêt de livraison d’armes à l’Irak et la livraison d’armes et d’uranium à l’Iran,
- L’éviction du territoire français des Moudjahidine du Peuple,
- Et après coup la libération du terroriste Anis Naccache détenu en France.

La France remboursa donc à l’Iran 330 millions de dollars le 17 novembre 1986 mais refuse de fournir de l’uranium, Georges Besse sera assassiné le soir même. Puis encore remboursera 330 millions en décembre 1987.
La livraison d’uranium à l’Iran est inacceptable, la livraison d’arme officiellement non plus, cependant la société Luchaire livre illégalement 450 000 obus à l’Iran, ce qui deviendra « l’affaire Luchaire ».
Charles Pasqua expulse ensuite les Moudjahidine du Peuple vers l’Irak (décembre 1987).
Enfin, Naccache et quatre autres terroristes iraniens seront libérés et expulsés en juillet 1989.
L’absence de livraison d’uranium enrichi explique peut-être l’attentat du DC610 d’UTA au dessus du Ténéré le 19 septembre 1989 (172 victimes). La veille de l’attentat, une lettre publiée par le journal libanais As Shira accuse le gouvernement de Jacques Chirac, et désigne nommément Charles Pasqua pour n’avoir pas tenu des engagements pris à l’égard de l’Iran. Elle enjoint le gouvernement socialiste de "corriger les erreurs de ses prédécesseurs dans l’intérêt de tout le monde". Nous savons que les lettres de menace de ces gens-là représentent le signal du passage à l’acte des terroristes.
Les otages seront libérés et un accord franco-iranien est signé en juillet 1991, il stipule que la France remboursera au total 1,6 milliards de dollars à l’Iran, que l’Iran est rétabli pleinement dans son statut d’actionnaire d’Eurodif avec le droit de prélever 10% de l’uranium enrichi à des fins civiles. Le terrorisme a gagné.
De sources diplomatiques, l’uranium enrichi ne fut jamais livré, l’Iran ne développant pas un nucléaire civil mais militaire.

Pour conclure sur une note d’espoir, précisons que Eurodif (nommé Georges Besse maintenant) cessera toute activité en 2013 et que la nouvelle centrale Georges Besse II appartiendra alors à 100% à Areva, enfin souhaitons-le ou tout au moins que des pays voyous n’en soient pas actionnaires.

Re: La route de l'uranium: de la Mine au coeur du réacteur

Auteur: Michel PONS
Date: le 27/10/2009 à 08:13
Chers amis,

Pour prolonger la réflexion sur l'uranium nigérien, je vous joins ci-dessous l'article de Sophie Chapelle dans la livraison de l'Express du 26 octobre 2009

Cordialement,
Michel PONS


L’industrie nucléaire française procède à un véritable pillage au Niger
(L'Express 26/10/2009)


Depuis 40 ans, la multinationale Areva puise abondamment dans les ressources d’un des pays les plus pauvres de la planète. Le Niger pourrait demain devenir le deuxième producteur mondial d’uranium. Pourtant, le pays figure à la dernière place de l’indicateur de développement humain. C’est dans cette absence de partage des richesses et sur fond de crise institutionnelle, que se profile une catastrophe sociale, environnementale et économique. Produire ici de l’électricité d’origine nucléaire a pour corollaire, là-bas, contaminations radioactives et désertification.

Areva, champion français de l’industrie nucléaire, le clame fièrement : sa nouvelle mine d’uranium d’Imouraren, au Niger, sera la plus importante d’Afrique et la deuxième au monde. Areva répète avoir « fait du développement durable la clé de voûte de sa stratégie industrielle avec la triple ambition d’une croissance rentable, socialement responsable et respectueuse de l’environnement ».

Dans le cadre de cette stratégie, Areva a organisé le 16 mai dernier à Agadez, dans le nord du Niger, « une audience publique et un atelier de validation de l’étude d’impact environnemental d’Imouraren ». La multinationale de l’atome se serait-elle reconvertie à un soudain souci de transparence ? « Un écran de fumée », selon le collectif Areva ne fera pas la loi au Niger, au moment où - coïncidence ? - l’état d’exception est décrété sur la région d’Agadez. Dénonçant l’impossibilité de consulter le rapport provisoire, la mise à l’écart du comité Ad-hoc, la réduction du temps imparti à la consultation, le collectif associatif demande de disposer de cette étude d’impact et d’une contre-expertise scientifique indépendante. Il attend toujours.

Areva, éco-responsable ?

Derrière les grands discours socialement responsables et respectueux de l’environnement se cache une toute autre réalité. Des études indépendantes ont d’ores et déjà été menées. La Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD) révèle que les eaux distribuées dans la ville minière d’Arlit, où opère Areva, ne sont pas aux normes de potabilité : d’après les prélèvements de 2004 et 2005, le taux de contamination de ces eaux dépasse de 7 à 110 fois les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé ! Toujours selon la Criirad, des boues radioactives et d’énormes masses de déchets radioactifs, les « stériles », sont stockées à l’air libre. La société civile nigérienne, via l’association Aghir In Man ou le réseau Rotab, ont tenté d’alarmer Areva et les responsables politiques nigériens sur la question. En vain. A ce jour, rien n’a été fait pour revoir la gestion de ces sites uranifères, selon le collectif Areva ne fera pas la loi au Niger.

Il n’y a pas que la contamination radioactive qui pose problème. Areva, et d’autres industries minières, contribuent à la désertification du pays. « L’économie pastorale est en train de disparaître dans le Nord du Niger, région où s’installent les miniers du monde entier. On va vers une catastrophe environnementale et économique », prévient l’hydrogéologue Alain Joseph. L’élevage extensif - principale source de revenus d’un des Etats les plus pauvres de la planète - mené par les Touaregs, les Peulhs et les tribus arabes Kounta dans l’immense plaine de l’Irhazer est fortement remis en cause par l’assèchement des nappes phréatiques d’Agadez (nord du Niger), seule ressource en eau de la région. La cause de leur épuisement ? L’octroi de concessions minières : 139 permis de recherche et d’exploitation ont été vendus en moins d’un an. L’eau des nappes est acheminée vers des mines de charbon qui alimente en électricité les installations d’Areva à Arlit.

Un comportement prédateur

A Akokan et Arlit, les sociétés Cominak et Somaïr, dont Areva est l’opérateur, ont déjà épuisé à 70% l’aquifère carbonifère au nord du Tarat, à raison de 22 000 m3/j depuis 38 ans. Ces deux sociétés envisagent d’utiliser un pipeline de 30 km et de déplacer leurs pompages vers l’ouest, dans la nappe des grès d’Agadez. « C’est significatif du comportement prédateur minier : on s’installe, on prend le maximum et après moi, le désert, s’insurge Alain Joseph. Non content d’avoir vidé l’aquifère du Tarat, Areva s’installe maintenant à Imouraren. Bien d’autres pays, la Chine, le Canada, l’Inde, l’Australie, se ruent sur les ressources du sous-sol nigérien. Nous allons assisté à un assèchement rapide de cette nappe. Comment vont vivre les pasteurs si les sources sont épuisées ? Comment vont-ils se déplacer dans un univers qui va être maintenant essentiellement minier ? »

Côté face : L’uranium nigérien sert à alimenter les centrales nucléaires françaises

Côté pile : Désertification et absence de partage des richesses au Niger (Crédit : Areva ne fera pas la loi au Niger)

« Ce que nous voulons c’est l’arrêt de l’exploitation des mines d’uranium. Seul le régime en profite, le peuple nigérien lui ne profite que de la misère et des radiations ». Pour Aghali Mahiya, Touareg du Niger et ancien salarié de la Somaïr, filiale nigérienne d’Areva, la population ne bénéficie d’aucune retombée économique. Bien que l’exploitation d’Imouraren fasse du Niger le deuxième producteur mondial d’uranium, le pays est encore classé parmi les trois plus pauvres de la planète et figure à la dernière place de l’Indicateur de développement humain. De son côté, Areva a tiré du Niger près de 40 % de sa production d’uranium depuis 40 ans. Sans ce précieux combustible, jamais la multinationale n’aurait pu se développer ni le nucléaire français fonctionner. Pas question, pour autant, de favoriser le développement du pays.

« Le peuple nigérien ne profite que de la misère et des radiations »

Pour Myrtho, président d’une association au Nord-Niger, le partage des richesses n’existe pas. « J’ai rencontré Issouf ag Maha, le maire de Tchirozerine au Niger. Areva lui a demandé une liste de gens intéressés pour travailler pour Areva. M. le Maire a fait une liste de 800 personnes avec leur nom, leur adresse... mais à ce jour aucune de ces personnes n’a été embauchée par Areva. » La multinationale pèse plus de 13 milliards d’euros de chiffre d’affaire en 2008. L’Etat nigérien, lui, voit son produit intérieur brut plafonner à 2,7 milliards d’euros en 2007. Soit cinq fois moins que le groupe dirigé par Anne Lauvergeon (en photo). Comment rivaliser ? Surtout quand, derrière Areva, on trouve l’Etat français.

La poursuite de l’exploitation d’uranium au Niger s’établit sur le fond d’ « une très grave crise institutionnelle », rappelle Olivier Thimonnier de l’association Survie. En mai dernier, le président Tandja annonce l’organisation d’un référendum en vue d’un changement constitutionnel afin de prolonger son mandat. S’ensuit la dissolution de la cour constitutionnelle et de l’Assemblée nationale qui jugent le projet de référendum inconstitutionnel. En juin, alors que Tandja s’arroge les pleins pouvoirs, le Quai d’Orsay se contente de rappeler « [l’importance que la France attache au cadre constitutionnel du Niger, à la préservation de l’acquis démocratique de ce pays et à sa stabilité. » Le référendum est organisé le 4 août, et malgré la forte opposition des syndicats, des partis et d’une partie de la société civile, le Niger finit par adopter une 6e Constitution. Dans l’indifférence presque totale des médias français [1].

Areva, outil de la Françafrique ?

Le 20 octobre, Tandja organise des élections législatives. Il est isolé sur la scène politique intérieure : l’ensemble de la société civile, des centrales syndicales et son propre parti, divisé, s’y sont opposés. Il est la cible de critiques internationales : gel partiel de la coopération de l’UE avec le Niger, suspension du Niger par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, mesures à venir de l’Union africaine. Seule la France reste silencieuse. « Le 10 août, le ministère des affaires étrangères déclare que la France est attentive à l’élection, qu’elle doit être transparente et démocratique. Ceci valide la réforme de la Constitution par le président Tandja, analyse Olivier Thimonnier. Cette position française est le résultat de la défense d’intérêts économiques clairement liés aux intérêts d’Areva au Niger. Elle s’inscrit dans le prolongement de la politique d’indépendance énergétique de la France lancée par le Général de Gaulle dans les années 60. »

Une indépendance énergétique qualifiée de « parfaitement virtuelle » par Johnny Da Silva du Réseau Sortir du Nucléaire. « La France importe 100 % de son uranium pour 80 % de son électricité. C’est sans compter les transports de matières radioactives sur des milliers de kilomètres. » « Quand on nous explique que le nucléaire est une énergie propre, c’est un mensonge à plusieurs niveaux, poursuit le Député Vert Noël Mamère. Ce n’est ni une énergie renouvelable, ni une énergie propre mais bien une énergie sale dans sa contribution à soutenir les réseaux de la Françafrique et les régimes dictatoriaux. » Le Collectif Areva ne fera pas la loi au Niger demande à toutes les parties impliquées un moratoire sur l’extraction minière. En attendant l’hypothétique appui de ce moratoire par le gouvernement français, les choix énergétiques de ce dernier continuent d’avoir de désastreuses conséquences… loin de nos vertes campagnes.

Sophie Chapelle


Notes
[1] Ce qui n’est pas le cas quand ce genre de référendum se passe en Amérique latine, en Bolivie ou au Venezuela par exemple. On peut s’interroger sur ce deux poids, deux mesures...

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Amaneï : Rencontres touarèguesLe désert est l'un des rares éléments naturels de la planète Terre qui donne le sens à toute chose. Son immensité, son silence et sa beauté provoquent chez tout être humain une joie retenue, accompagnée d'une peur poussant à la recherche d'un refuge dans l'autre dimension au-dessus de nos têtes... Guide de haute montagne depuis 1974, photographe et poète, épris de désert, Michel Zalio publie, [En savoir plus...]

Je suis né avec du sable dans les yeux

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Je suis né avec du sable dans les yeuxMano Dayak raconte sa vie, sa formation, ses combats en faveur de son peuple, le peuple Touareg; à la fin de l'ouvrage, des témoignages d'amis de l'auteur.

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