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Forêts sacrées de kayas des Mijikenda

Les forêts sacrées de kaya des Mijikenda consistent en 11 sites forestiers distincts qui s''étendent sur près de 200 km le long de la côte. Ils recèlent les vestiges de nombreux villages fortifiés, les kayas, du peuple Mijikenda. Les kayas, créés à partir du XVIème siècle ont été abandonnés dans les années 1940. Ils sont considérés aujourd''hui comme les demeures des ancêtres, révérés comme des sites sacrés et entretenus par les conseils d''anciens. Le site est inscrit en tant que témoignage unique d''une tradition culturelle et pour ses liens directs avec une tradition vivante.

Ce site culturel est classé au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO depuis 2008.

Histoire du site

La tradition orale rapporte que les Mijikenda quittèrent une terre connue sous le nom de Singwaya, que l'on croit être au nord de Tana, sur le territoire actuel de la Somalie, pour émigrer vers le sud au XVIe siècle. Leur migration fut incitée par l'expansion des peuples pastoraux, en particulier les Akwavi Masai, les Galla ou les Orma. Toujours selon la tradition, ces premiers colons fondèrent six villages fortifiés connus sous le nom de makaya, sur la crête qui s'étend parallèlement à la côte kenyane. Trois autres kayas furent ajoutés un peu plus tard.
Le clan A-Digo serait le premier groupe à avoir quitté les terres ancestrales de Singwaya, suivi par les clans ARibe, A-Giriama, A-Jibana, A-Chony et A-Kambe. Il existe plusieurs traditions orales relatives à leur migration, mais toutes racontent qu'ils s'installèrent en divers endroits sur leur parcours et qu'à un moment donné, ils se divisèrent en deux groupes, fondant Kaya Kinondo et Kaya Kwale. Au début du XVIIe siècle, ils essaimèrent encore à partir des deux principaux centres, et des kayas secondaires furent créés. De Singwaya, chacun des groupes apporta son propre talisman rituel tribal dénommé fingo, qui a été enterré dans le nouveau village. Les populations de Rabai, Kauma et Digo se sont formées plus tard le long de la côte de l'actuel Kenya. Elles ont assimilé l'identité Mijikenda et construit leurs propres kayas. Les dates suggérées par les légendes pour la fondation des premiers kayas vont de 1560 à 1870 pour le dernier. Pendant des siècles, les légendes rapportent que les habitants des premiers kayas développèrent des langues et des coutumes originales. Par la suite, la dispersion et l'abandon des villages fortifiés furent provoqués par la pression des populations et les conflits internes.
Les légendes sont corroborées par l'histoire écrite des villes marchandes côtières swahilies florissantes du XIIe au XIVe siècle, les marchands de la côte se mélangeant aux populations locales. Elles suggèrent un afflut de population Mijikenda au XVIIe siècle. La documentation portugaise du XVIIe siècle confirme aussi cette vision de l'histoire, qui implique que les Mijikenda étaient installés sur la côte au début du XVIIe siècle.
Il est aussi suggéré que l'étude des langues parlées sur la côte confirme les légendes. Les neuf dialectes distincts parlés par les neuf clans de Mijikenda sont étroitement liés entre eux et avec d'autres langues parlées sur la côte kenyane et tanzanienne. L'étude de ces langues suggère qu'une langue proto-« sabaki » de Somalie s'est divisée en mijikenda, pokomo et swahili entre le XVIe et le XVIIe siècle.
Ces dernières années, certains en sont venus à penser que les légendes considérées comme récits historiques sont des constructions politiques arabo-swahilies destinées à renforcer l'unité des Mijikenda et en même temps à les distinguer des Arabes et des populations de culture swahilie installés le long de la côte. Des fouilles archéologiques récentes entreprises dans certains kayas ont permis d'affiner l'interprétation des légendes. L'idée émerge selon laquelle les légendes sont une vision que portent les sociétés sur elles-mêmes, soulignant le caractère unique et distinct de chaque kaya et simplifiant et condensant sur une courte période des mouvements complexes de populations qui se sont déroulés sur plusieurs siècles.
Il apparaît aujourd'hui que les kayas étaient bien établis au début du XVIIe siècle et n'étaient pas des occupations centralisées monolithiques, mais entretenaient des relations avec l'intérieur des terres agricoles et constituaient des centres pour des villages très dispersés. Les Mijikenda pratiquaient l'agriculture de subsistance, travaillaient le fer et le cuivre et importaient le textile, le poisson et les poteries des villes côtières. Leur système de croyances reconnaissait un créateur omniprésent, Mulungu, et des esprits moins importants plus proches de la vie quotidienne. Le système de gouvernance reposait sur des classes d'âge transversales aux différents clans. Les plus anciens formaient le conseil tribal qui gouvernait par consensus et organisait les cérémonies annuelles.
Au cours du XIXe siècle, l'utilisation des villages fortifiés commença à décliner à mesure que les populations se dispersaient dans les fermes alentour ou les villes côtières. L'exode culmina au début du XXe siècle. Dans les années 1940, presque tous les kayas étaient inhabités. Les raisons de cet exode sont encore discutées mais le potentiel que représentait l'implication dans le commerce florissant entre les villes côtières, l'île de Zanzibar, l'Arabie et l'Inde semble être une bonne explication. D'autres facteurs étaient probablement la famine et les maladies.
L'impact immédiat de la dispersion des populations des kayas dans l'arrière-pays fut le début de la déforestation progressive autour des kayas. Ce phénomène, associé à la préservation concertée de la forêt dans le voisinage immédiat des kayas, renforça la distinction entre les kayas et leur environnement.
Ces dernières années, le mépris croissant pour les valeurs traditionnelles et la demande croissante de terres, de bois combustible, de minerai de fer et de matériaux pour la construction et la sculpture sur bois ont fait peser de sévères pressions sur les forêts de kayas. Ces 50 dernières années, beaucoup de kayas ont vu leur superficie réduite de manière drastique, et des terres jadis communautaires sont devenues des propriétés privées et ont été vendues à des spéculateurs nationaux ou étrangers. Les kayas proposés pour inscription, une partie du Kaya Kinondo, semblent être ceux qui ont le moins souffert.
Ces dix dernières années, les efforts pour protéger les kayas sont largement venus d'initiatives visant à protéger la biodiversité de ce qu'il reste de forêt en recourant aux pratiques traditionnelles.

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