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Le blog de cyclonomade

Jusqu'au Lac de Van

Turquie / Divers

Vendredi 26 Août 2011

Le lendemain soir, j'arrive à Elazig. Je suis sur le parking d'un supermarché MIGROS où j'ai l'intention de faire quelques courses. C'est alors que je vois arriver vers moi un homme avec ses deux fils de 14 et 10 ans. Il m'invite à manger une pizza à la pizzeria toute proche. Comme il parle bien anglais, la discussion est aisée. Nous parlons de mes voyages, il semble très intéressé. Au cours de la conversation, il me demande où je compte dormir.
"- Je vais essayer de trouver un hôtel bon marché.
- Inutile, vous allez dormir à la maison."
C'est une très grosse maison bourgeoise avec plusieurs étages. L'intérieur est tapissé de bois façon chalet. Sa femme n'est pas là.
"- Elle est à l'hôpital. Elle est infirmière de nuit."
Nous passons la soirée à discuter et à regarder la télévision. Le lendemain matin, comme il part travailler assez tôt, je reprends la route de bonne heure. Comme d'habitude, le paysage est très montagneux ; je passe plusieurs cols dans la même journée. Si ça continue comme ça, je vais redevenir le maître des cols.
Trois jours plus tard, trente kilomètres avant Tatvan, la route est en travaux. Un ouvrier me fait signe de venir. Comme j'ai hâte d'arriver au bord du Lac de Van, je ne m'arrête pas. Il se lance alors à ma poursuite et me rattrape car ça monte. Il empoigne le guidon du vélo et je ne peux que le suivre. Nous retrouvons cinq ou six autres travailleurs à l'ombre d'un camion. On m'offre aussitôt le thé. Tous m'affirment leur fierté d'être Kurdes et me disent que je suis ici au Kurdistan, pas en Turquie. Deux heures plus tard, j'entre dans Tatvan. C'est pour moi une victoire, car, une dizaine de jours auparavant, je n'étais pas certain de pouvoir arriver jusque là, tant le relief était difficile et fatigant pour moi. Et aussi, en dépit des nombreuses mises en garde et conseils de ne pas aller vers l'est : "- C'est dangereux, il y a des terroristes, vous allez vous faire tirer dessus !", j'ai continué pour me rendre compte et rencontré des gens aussi hospitaliers que dans le reste de la Turquie, qui ne manifestaient aucune hostilité à mon égard, bien au contraire. J'ai également remarqué dans ce territoire une très forte densité de casernes de gendarmerie ("Jandarma") avec un véhicule blindé devant la grille d'entrée et des militaires à l'affût derrière des sacs de sable à chaque fenêtre. Sans compter les chiens qui aboyaient à l'intérieur. Ces casernes étaient toutes placées au bord des routes, que ce soit en agglomération ou dans la montagne. A voir tourner les hélicoptères militaires, je devinais qu'il devait y avoir des combattants du PKK dans la montagne. Me voyaient-ils à l'abri des arbres ou des rochers ? En tout cas, moi, je n'en ai jamais vu.
Après avoir passé la nuit dans un hôtel du centre-ville, je me pose des questions pour le retour. Une chose est sûre : je ne veux pas rentrer par le même chemin ! Bien entendu, les montées difficiles à l'aller deviendront des descentes agréables au retour, mais les descentes vertigineuses, en particulier celle qui m'a permis de battre mon record de vitesse à 88 km/h (88,06 pour les amateurs de précision), deviendront des montées épouvantables que je n'ai pas envie d'affronter. Plusieurs solutions s'offrent à moi. La première serait de poursuivre jusqu'à Van, passer au pied du Mont Ararat, franchir la frontière arménienne, puis dans la foulée la frontière géorgienne et à Batumi, au bord de la Mer Noire, prendre le bateau qui va à Istamboul. Une petite croisière en Mer Noire ne serait pas pour me déplaire et me reposerait des fatigues du voyage. Mais selon un Turc qui a effectué son service militaire dans la région d'Ararat, c'est encore plus montagneux et difficile que dans le reste du pays. Et les visas arméniens et géorgiens ? Peut-on les obtenir à la frontière ? Rien n'est moins sûr. Je pourrais aussi prendre une route plus au nord qu'à l'aller et rejoindre la Mer Noire que je longerais jusqu'à Istamboul. Mais là aussi, selon mes informations, très montagneux et aussi très pluvieux ! La pluie étant l'ennemie numéro un du cycliste, cet itinéraire ne m'inspire pas du tout. Reste une route plus au sud, celle que j'avais prévu à l'aller si j'avais continué par la côte. C'est aussi la seule qui me permettra de passer par Diyarbakir, capitale des Kurdes, et Ankara, capitale de la Turquie, où je voudrais voir le Mausolée d'Atatürk. Peut-être sera-t-elle aussi difficile que la route de l'aller, mais au moins je ne le saurai pas à l'avance ! C'est décidé : je rentrerai par la route du sud !
Je n'ai eu, par la suite, qu'à me féliciter de mon choix et c'est ce que nous verrons la prochaine fois.
 © cyclonomade

Cappadoce et Kurdistan

Turquie / Cappadoce

Samedi 13 Août 2011

Le 8 juin, dans la matinée, je quitte à regret Sylvaine et Patrick. Je déjeune à Nevsehir, puis prends la direction de Göreme. Je roule au milieu d'un paysage tout en collines, ordinaire. Je suis un peu déçu car je suis en Cappadoce et, comme le héron de la fable, je m'attendais à mieux. Tout à coup, au détour d'un virage, l'extraordinaire se produit : à mes pieds, s'étale un décor féérique, un monde différent, torturé, sculpté par la nature, d'innombrables pains de sucre dans lesquels les hommes ont creusé des habitations. J'avais vu des photos de la Cappadoce, mais cette fois, je suis dedans, j'en fais partie. Lorsqu'on voyage à vélo, on a l'impression, non seulement de voir un film sur écran géant, mais aussi d'être partie intégrante du film. Je traverse le village de Göreme, envahi par les touristes, et vais planter ma tente dans un camping. Le soir, je me promène. Où sont donc les maisons d'habitation ? Je ne vois que des magasins et des restaurants. Certains touristes barbus, chevelus et avec un sac à dos, se prennent pour des explorateurs. Dans ce microcosme cosmopolite, on parle japonais, anglais, français, allemand, que sais-je encore ? Et les prix sont, bien entendu, à la hauteur de la situation, une hauteur vertigineuse, le temple à ciel ouvert de la société de consommation dans toute sa splendeur : tout ce que j'aime ! Je ne m'attarderai pas longtemps ici où tout sonne faux, à commencer par les sourires proportionnels à la grosseur supposée de votre porte-monnaie. Le lendemain matin, avant de partir, je photographie les mongolfières dans le ciel. De là-haut, vous avez une vue panoramique sur toute la Cappadoce. Mais c'est cher, une photo panoramique à 200 € !!! Göreme se termine par une montée terrible, avec des pavés disjoints et inégaux, une souffrance et un danger à vélo. Un groupe de touristes français traverse opportunément la route, entre deux visites de sites, et me permet de reprendre mon soufle en répondant aux questions et me laissant photographier avec certains d'entre eux. Je termine la montée en poussant le vélo, tout en sueur. Un peu avant d'arriver à Ürgüp, je m'arrête pour photographier un paysage pittoresque et fais la connaissance d'une Américaine du Michigan. Elle me prend en photo, m'interview en enregistrant mes réponses avec son appareil photo et me donne son adresse et son numéro de téléphone. Le soir même, j'avais quitté la Cappadoce, région remarquable mais néanmoins peu étendue : la partie la plus intéressante se situant dans un rectangle équilatéral de 10 km de côté !
Poursuivant mon chemin, je suis surpris par la nuit peu après Kayseri. Pas de camping ni de restaurant. Qu'importe : j'avais fait des provisions et espérais trouver une station-service pour y planter ma tente. Mais rien ! Et je suis fatigué. Une côte que je n'ai pas envie de grimper. Sur ma gauche, des lumières ; cette route doit bien mener quelquepart... C'est ainsi que je me retrouve nez à nez avec le vigile d'une entreprise et nez à groins avec ses chiens. Je lui demande s'il y a un hôtel dans le coin. Non, mais il m'invite à planter ma tente à côté de sa guérite. Il me fait rentrer, me présente à son copain et me prépare un repas, car ils ont tout ce qu'il faut pour cuisiner : un frigo bien garni, une poêle électrique et, pour se distraire, un téléviseur qu'ils cacheront sous la table le matin, après l'avoir recouvert de cartons, car ce n'est pas autorisé ! Le repas à peine commencé, il se met à pleuvoir des cordes. Mais c'est sans importance, car la tente est montée, mes affaires à l'abri, et je dîne avec deux Turcs ne parlant pas un mot d'anglais. Nous parvenons néanmoins à nous comprendre. Lorsque je leur fais part de mon intention de me rendre dans l'est, ils tentent, en vain, de m'en dissuader : "Terrorists, PKK, pan, pan, pan, pan, pan." Ils n'aiment pas les USA, ni Israël, "ennemis des Palestiniens et des Arabes en général". Vers minuit, j'accompagne l'un d'eux en voiture pour sa tournée d'inspection (une dizaine de km), car ils sont chargés de surveiller les entreprises environnantes. Nous passons ainsi devant une "Allah ouakbar" en construction (c'est comme ça qu'il appelle les mosquées, ne connaissant pas le nom en anglais). Après avoir utilisé les toilettes de l'entreprise, je vais dormir sous ma tente. Le lendemain matin, il me présente au patron de l'entreprise, je prends le petit déjeuner avec les employés et, après la traditionnelle séance de photos, je reprends la route.
Un après-midi, je passe devant une station-service. Les employés m'appellent pour que je boive le thé avec eux ; c'est devenu une habitude. Je ne me doute pas, à ce moment-là, de la tournure que vont prendre les évènements. Aucun d'eux ne parle anglais. Un grand gaillard barbu d'environ 35 ans, Remzi, me propose de dormir ici, c'est du moins ce que je crois comprendre. Nous sommes en fin d'après-midi, le temps est gris, j'accepte. Au bout d'un moment, Remzi me demande de mettre un pantalon. Je lui réponds que je n'ai pas froid. Il insiste et me dit que nous allons chez lui, à un kilomètre de là. Je pense alors qu'il doit être marié et ne veut pas que sa femme me voie jambes nues. Après un kilomètre, nous quittons la route pour prendre un chemin de terre qui mène à son village. Remzi me présente à ses parents et, après une copieuse collation, me fait visiter le village, me présentant à tous les habitants, hommes, femmes et enfants, que nous rencontrons. Chose curieuse : les villageois, non seulement sont tous Kurdes, mais font aussi partie de la même famille ! Je suis accueilli très chaleureusement. Nous nous rendons à la mosquée devant laquelle beaucoup d'hommes prennent le thé en discutant. L'imam en sort et je le photographie, avec son accord, alors qu'il monte en voiture. Je bois le thé avec ces hommes qui revendiquent, haut et fort, leur identité kurde. Ils sont tous fans d'Abdullah Ocalan et du PKK (Parti des Travailleurs Kurdes) clandestin. L'un d'eux me dit même : "Le Kurdistan est socialiste !" Tandis que je le prends en photo, il lève le poing gauche et, de la main droite, fait le V de la victoire, signe de ralliement des Kurdes, exprimant ainsi ses convictions politiques. Il me demande de mettre la photo sur Internet. Ce sera chose faite quelques jours plus tard. Après quelques verres de thé et quelques photos, nous entrons dans une salle de la mosquée et nous attablons à une très longue table. Le repas est très copieux et je suis rapidement rassasié. Nous retournons chez Remzi, accompagnés par une dizaine de personnes. Je sors ma carte de la Turquie sur laquelle ils me montrent les limites du Kurdistan. Ils me disent qu'ils ne reconnaissent pas Ankara comme capitale et considèrent Diyarbakir (prononcer "Diyarbakeur), qu'ils appellent "Amed" en kurde, comme leur capitale. Ils revendiquent leur indépendance. J'aprends qu'"enseignant" se dit "momoste" (prononcer "mamosté") en kurde ("ögretmen" en turc). Nous nous comprenons relativement bien car beaucoup ont travaillé en Allemagne et parlent allemand correctement, certains nettement mieux que moi ! Le soir, chez Remzi, je vais voir ce que je n'avais vu nulle part ailleurs et que je n'aurai plus l'occasion de revoir durant ce voyage : une chaîne de télévision kurde, la chaîne "ROJ". Je suis un reportage montrant la vie des combattantes du PKK dans la montagne. Dans le générique de l'émission, j'aperçois le drapeau du PKK : un drapeau rouge avec, au centre, une étoile rouge sur un fond jaune entouré d'une couronne verte. Je comprends mieux ce que m'avaient dit des Turcs au début de mon voyage : "Ici, en Turquie, nous avons des terroristes et leur drapeau a les mêmes couleurs que le vôtre (drapeau lituanien : vert, rouge et jaune)". En tout cas, ces terroristes-là sont éminemment sympathiques et chaleureux ! Le père de Remzi, qui est "gazi" me montre une photo de lui, jeune, habillé en militaire. Savez-vous ce qu'est un "gazi" ? C'est quelqu'un qui a suvécu à trois guerres ou plus ! C'était également le cas de Mustafa Kemal Atatürk. Le lendemain matin, tandis que je discute avec le père de Remzi dans la cour, une voisine nous apporte des verres de lait chaud, de la traite du matin. Ces gens vivent presque en autarcie : tout ce qu'ils mangent est produit au village (animaux, légumes, fruits...). La mère de Remzi prépare le petit déjeuner sur le poêle de la cour en faisant griller des poivrons et chauffer l'eau pour le thé. Avant cela, elle avait étendu mes vêtements sur un grillage après les avoir lavés. Pendant le petit déjeuner, des cousines viennent nous voir avec leurs enfants. Mais les meilleures choses ayant une fin, je quitte à regret ces gens si attachants.
 © cyclonomade
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