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Terre de l’encens |
Les arbres d'encens de l'Ouadi Dawkah, les vestiges de l'oasis caravanière de Shisr/Wubar et les ports associés de Khor Rori et d'Al-Baleed illustrent de manière frappante le commerce de l'encens qui prospéra dans cette région durant de nombreux siècles et fut l'une des plus importantes activités commerciales du monde antique et médiéval.
Ce site culturel est classé au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO depuis 2000.
Histoire du site
- Généralités
Shisr jouait déjà un rôle majeur dès l'âge du fer, car c'était un avant-poste fournissant de l'eau aux marchands avant qu'ils n'entrent dans le désert de Rub al-Khali, mais la fondation du port fortifié de Khor Rori/Sumhuram par LL'ad Yalut, roi d'Hadramaout, n'eut lieu qu'à la fin du Ier siècle avant notre ère, du fait de la croissance des échanges maritimes entre la mer Rouge et l'océan Indien. Après le déclin de Khor Rori pendant la première moitié du IIIe siècle après J.-C., le site d'al-Balid fut considéré comme le port ayant joué le plus grand rôle dans le commerce maritime jusqu'à la fin de la période islamique.
Dans la région du Dhofar, le cadre naturel de l'Ouadi Andoor, l'Ouadi Hogar et de l'Ouadi Dawkah représente la région la plus significative en termes de présence des arbres à encens. Le parc de l'Ouadi Dawkah a été choisi pour proposition d'inscription en qualité de site naturel/culturel, car il représente la culture de la résine à encens depuis des temps immémoriaux, avec un cadre naturel qui demeure intact.
Les premiers hominidés (Homo erectus), venus d'Afrique de l'est, arrivèrent au Dhofar il y a environ un million d'années. Certains sites archéologiques conservent les traces de leur passage, particulièrement au Yémen et dans l'ouest de l'Arabie saoudite. Des études récentes indiquent que des hominidés actuels (Homo sapiens sapiens) parvinrent au Dhofar aux alentours de 1 000 000 BP1, comme le montrent les découvertes faites dans le Nedjd, particulièrement autour de la région de Shisr.
Entre 20 000 et 8000 ans BP, le sud de l'Arabie traversa une phase d'aridité extrême, qui conduisit à l'abandon de la majeure partie de la péninsule. À la période néolithique, aux alentours de 6000 avant notre ère, des nomades pastoraux arrivèrent dans le sud de l'Arabie. Ces peuples de langue sémitique venus du Levant occupèrent graduellement la plus grande partie de la péninsule. Ils gardaient des troupeaux de bovins, de moutons et de chèvres, activité dont ils ont laissé des traces facilement reconnaissables : leurs outils en silex, qu'on retrouve dans tout le Nedjd près des anciens cours d'eau et lacs. Ce sont ces peuples qui établirent les anciennes longues routes commerciales.
Ils se lancèrent tout d'abord dans le négoce de l'encens depuis le Dhofar, en réponse à une demande originaire du sud de la Mésopotamie. En 3200 avant J.-C., avec l'apparition de l'écriture, des traces attestent de l'augmentation de ce commerce, en volume comme en fréquence. L'identité ethnique exacte des marchands est inconnue, mais des types de silex reconnaissables rattachent avec précision ce commerce au Dhofar.
Pour la région du Dhofar, l'âge du bronze (2200-1300 avant J.-C.) fut une période de repli. La population se retira au pied des collines et dans la plaine de Salaalah, près de sources permanentes. Elle entretenait des liens étroits avec les villages yéménites de l'âge du bronze. C'est à cette époque que commença la domestication des chameaux. Le commerce maritime, sans doute du cuivre, reliait Masirah au Dhofar. Les paléo-lagunes et les terrasses des plateaux connurent pour la première fois une exploitation intensive, tandis que l'encens continuait d'alimenter un important commerce.
L'âge du fer (1300-300 avant J.-C.) fut le témoin de la réémergence des populations locales, gardant des bovins, des chèvres et désormais aussi des chameaux, mais cultivant aussi des plantes propres au Dhofar, telles le sorgho et le millet, selon un mode de vie qui n'est pas sans rappeler celuides peuples Mahra contemporains. L'expansion des États du sud de l'Arabie donna naissance à un réseau formel d'échange de l'encens qui s'étendit vers l'ouest, ainsi qu'à une demande permanente du nord du Yémen et de l'est de l'Arabie.
En 300 avant notre ère, le site de Shisr s'était intégré à ce réseau. Le Periplus du Geographia de Ptolémée (IIe siècle avant J.-C.) offre une image claire de la région et de ses habitants. Les fouilles conduites à Shisr et dans la plaine de Salaalah montrent que l'État Atramite de Shabwa (Khor Rori/Sumhuram) et les peuples indigènes prenaient tous part au négoce de l'encens. Les Arabes omanais, venus du Yémen dans un périple vers le nord-est, arrivèrent à cette époque dans la région, et s'intégrèrent eux aussi à ces interactions complexes dans les relations sociales et la vie économique. Les Parthes de Perse eurent eux aussi une influence sur le Dhofar, comme le démontrent les vestiges matériels découverts à Shisr et sur la côte de Salaalah. D'après les preuves historiques et archéologiques réunies, il a été suggéré que Shisr pourrait être Ubar ou l'Omanum Emporium de Ptolémée, tandis que Khor Rori a été associé au Moscha limen du Periplus Maris Erythraei (Ier siècle de notre ère).
À l'époque islamique, le commerce intérieur continua de prospérer, peut-être alimenté par la demande en encens et en chevaux. Les liens instaurés avec l'Inde des milliers d'années auparavant demeuraient forts. La région côtière du Dhofar prenait part à un commerce international longue distance, spécialement sous la dynastie abbasside. Les criques et ports fortifiés, ainsi que les petits peuplements, témoignent de ces liens entre la mer Rouge et l'Afrique de l'est à l'ouest et l'Inde et la Chine à l'est. Al-Balid et Mirbat continuèrent de prospérer, atteignant leur apogée au milieu de la période islamique. En 1450, les invasions turques et portugaises entraînèrent une interruption dans le réseau créé à l'âge du fer et à l'époque islamique.
- Shisr
On trouve un certain nombre de sites néolithiques dans le voisinage immédiat de Shisr. Cette oasis agricole, site caravanier sur la route qui amenait l'encens du Nedjd au port de Sumhuram, était dominée par une forteresse de l'âge du fer, datant du IIe siècle avant J.-C. Les preuves archéologiques démontrent que le site resta utilisé au début et au milieu de la période islamique. Toutefois, il connut un déclin régulier à partir de la fin du Ier siècle après J.-C., et avait perdu toute son importance au IIIe siècle. Il y avait le long de la muraille du sud une occupation très limitée, qui dura jusqu'à la fin de la période islamique.
- Khor Rori/Sumhuram
Le port de Sumhuram (Smhrm - « Son Nom est Grand » fut fondé à la fin du Ier siècle avant J.-C. Selon les inscriptions, il fut établi par LL'ad Yalut pour contrôler le commerce de l'encens du Dhofar. Il est identifié comme le Moscha des textes géographiques classiques, où les marins indiens qui apportaient la toile de coton, le maïs et l'huile en échange de l'encens passaient l'hiver, attendant les vents favorables de la mousson pour rentrer chez eux.
Pendant le Ier et le IIe siècle de notre ère, le port fut le coeur du peuplement marchand installé sur cette côte. Ses liens étroits avec le puissant État de Shabwa en faisaient une ville très riche. À cette époque, c'était une petite ville, solidement fortifiée, couvrant 1 hectare environ. Toutefois, le processus de désintégration commença à la première moitié du IIIe siècle, un processus qui s'acheva à la fin du siècle, quand le site fut reconquis par la mer et la végétation naturelle.
- Al-Balid
Al-Balid est l'ancien nom historique d'une ville médiévale de la région de Mahra, dont le nom se transcrit avec des orthographes diverses : « Dhofar », « Dhufar », « Zafar », etc. Cependant, les fouilles archéologiques ont montré qu'il s'y trouvait un peuplement datant de l'âge du fer. Il subsista très probablement longtemps après, en dépit de l'absence de mention spécifique dans le Geographia de Ptolémée. Son importance à l'époque islamique ne fait aucun doute. Mais il commença à connaître un certain déclin au XIIe siècle ; au XIIIe siècle, il fut annexé et partiellement détruit en plusieurs occasions, à la fois par les souverains arabes et par les envahisseurs perses. À la fin du XVe siècle, les changements radicaux qu'avaient imposés aux schémas commerciaux les Portugais et les autres nations marchandes européennes scellèrent le destin de la ville.
- Le parc d'arbres à encens de l'Ouadi Dawkah
À l'époque néolithique, les habitants du sud de l'Arabie participaient, comme en attestent les preuves archéologiques, à des échanges longue distance avec le littoral d'Arabie et, de là, avec la Mésopotamie. Les fouilles ont révélé des échanges de coquillages et d'obsidienne, et des sources documentaires et épigraphiques décrivent le commerce d'encens dès la fin du IIIe millénaire avant notre ère, commerce très certainement florissant à l'époque, non seulement avec la Mésopotamie mais aussi avec l'Égypte.
Ptolémée décrit clairement les origines de l'encens, qui peuvent être identifiées aux trois zones de la région du Dhofar où l'on trouve toujours l'arbre à encens (Boswellia sacra). Ce commerce a perduré pendant l'âge du fer et la période islamique. L'autre grand produit d'exportation du sud de l'Arabie à l'époque sont les chevaux.
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