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I. — L'EXPÉDITION PRÉPARATOIRE (fin) 8/12

Antarctique

Dimanche 18 Janvier 1914

Nous nous consolons en espérant que la température de l'eau continue à baisser et que par suite chaque jour les conditions deviennent plus favorables pour la congélation du détroit.

Dimanche, 26 mars. — Hier matin, promenade au pied des collines de l'Arrivée, par un vent très froid, et l'après-midi, sur le versant est de l'Observation Hill. A la fin de l'après-midi, la brise tombe ; soirée magnifique, absolument calme; la fumée monte droit. La mer est prise; malheureusement, pendant la nuit, le vent s'élève du Sud-Est et des fissures se forment tout le long de la côte. Ce matin, brise avec chasse-neige. Promenade sur les hauteurs de l'Arrivée. De là je constate l'existence, à l'Est du cap Armitage, d'une assez bonne couverture de glace; quelques nappes d'eau libre subsistent toutefois. Les baies de chaque côté de la Langue du glacier paraissent assez solidement prises.

Mardi, 28 mars. — Lentement, mais sûrement, une dalle de glace est en train de se former à la surface de la mer. Au Sud de la pointe de la Hutte, elle demeure stable et augmente d'épaisseur, malgré les fraîches brises d'Est et en dépit de l'existence de « trous d'eau ». Une grande quantité de glace semble agglomérée autour des îlots du Nord, mais elle est trop éloignée pour que nous puissions voir si elle forme une nappe continue. Sous l'auvent d'Est de la hutte, nous construisons une écurie pour loger quatre poneys de plus. Quand il sera terminé, sept animaux de plus pourront être abrités; cela sera suffisant.

Jeudi, 30 mars. — Au sud de la pointe de la Hutte, la glace tient, mais n'augmente guère d'épaisseur. Hier, temps calme ; la situation parait sans changement des deux côtés de la Langue du glacier. Notre détention semble devoir se prolonger. Cela est terriblement ennuyeux; mais, après tout, l'installation n'est pas trop mauvaise. Je ne serais pas surpris que nous soyons retenus ici jusqu'en mai.

Vendredi, 31 mars. — Hier, la glace atteignait une épaisseur de 0 m. 20 par endroits à l'est du cap Armitage, et de 0 m. 15 dans la baie. Elle est, dit-on, fixe des deux côtés de la Langue du glacier ; vers l'aval, elle s'étendrait jusqu'aux îles Delbridge ; toutefois immédiatement au nord du glacier, existe encore un canal libre. Les vivres sont encore largement suffisants pour une semaine, ensuite il deviendra nécessaire de réduire notre luxe. Les approvisionnements en viande et en graisse de phoque ainsi qu'en biscuit sont copieux ; nous pouvons demeurer ici longtemps encore si cela est nécessaire. Les jours deviennent plus courts et la température baisse.

Dimanche, 2 avril. — Dans l'après-midi d'hier, allé pour la première fois sur la glace à Pram Point en doublant le cap Armitage. Partout la nappe est solide, sauf au large de ce promontoire où se rencontrent de nombreux bassins d'eau libre. Suivant toute vraisemblance, des hauts fonds existent dans ces parages ; par suite, des couches d'eau relativement chaudes se trouvent amenées dans le voisinage de la surface. Dans les intervalles entre ces bassins, la glace est assez mince. Nous tuons un pingouin Empereur au large du cap. Aperçu plusieurs phoques dans notre baie et plusieurs devant Pram Point. Nombreux poissons sur la banquise ; presque tous de petite taille. Chassés par les phoques, ces poissons se trouvent pris dans de la glace en formation et ne peuvent ensuite s'échapper.

Mercredi, 5 avril. — Depuis cinq jours, sauf une courte pause dimanche, vent d'Est continu. Progressivement il est devenu plus fort et plus froid. Hier, temps très couvert, avec chute de neige et chasse-neige; le thermomètre est descendu à — 23°,8.
Notre luxe tire à sa fin ; la provision de sucre est presque épuisée. Il est grand temps que nous partions. Hier, Wilson nous a servi une friture de phoque à la graisse de pingouin. Elle avait un goût d'huile de foie de morue très prononcé ; aussi le plat ne fut guère apprécié ! C'est que nous n'avons plus l'appétit insatiable dont nous jouissions pendant l'expédition sur la Barrière !

Vendredi, 7 avril. — Promenade sur la banquise dans la direction du Nord. Son épaisseur ne dépasse pas 0 m. 125 ; nombreux sont encore les canaux d'eau libre. Recueilli dans la glace nombre de poissons gelés, les plus gros à peu près de la taille d'un hareng, les plus petits de celle d'un véron. Nous avions d'abord attribué leur mort à ce qu'ils s'étaient trouvés pris dans de la glace en formation ; mais aujourd'hui Gran a trouvé un gros poisson qui avait été gelé au moment où il en avalait un plus petit. Ces poissons seraient donc saisis par la congélation tandis qu'ils se poursuivent les uns les autres.
La hutte est si confortable que nous regretterons presque de la quitter. De plus, ici la vie est agréable et saine ; chaque jour, nous passons de longues heures en plein air et presque toujours nos promenades ont un but intéressant. Aussitôt après le réveil, le déjeuner. Assis en cercle sur des caisses, autour du feu, nous mangeons des beurrées et buvons une grande tasse de thé brûlant. Après le lunch, nous allons nous promener, et vers 5 ou 6 heures seulement, l'approche de la nuit et le souper nous ramènent au logis. Nous avons gagné dehors un bon appétit ; aussi les cuisiniers rivalisent de zèle dans la préparation de fritures succulentes de foie de phoque. Tous les jours est servi le même plat, mais avec beaucoup d'art; nos cordons bleus en savent varier la sauce. Grâce à leur maîtrise, nous ne nous lassons point de cette uniformité dans les menus, et tous les soirs l'arrivée du plat est saluée avec enthousiasme. Le repas fini, nous fumons et bavardons pendant une heure environ. Chacun raconte ses souvenirs de voyage dans les pays les plus différents. Il n'est pas une partie du monde qui n'ait été visitée par l'un de nous.
 © Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p32

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