Destination Terre > Antarctique

I. — EXPÉDITION PRÉPARATOIRE (11/12)

Antarctique

Samedi 10 Janvier 1914

Nous l'avons échappé belle. Si le traîneau avait été entraîné dans la chute, Meares et moi aurions sûrement été grièvement blessés, sinon tués. Les chiens ont reçu un terrible choc et subi une violente compression : trois d'entre eux vomissent le sang et paraissent souffrir de lésions internes plus ou moins graves.

Un iceberg en voie de démolition au milieu de la banquise

La plupart sont demeurés suspendus dans le vide par une mince corde qui leur serrait le ventre, et dans cette position, se sont furieusement débattus. L'un d'eux a essayé de grimper le long des parois du gouffre en allongeant les pattes en avant et en arrière, si bien que les deux murs de la crevasse sont balafrés de coups de griffe! Deux qui se trouvaient accrochés l'un près de l'autre se battaient, quand le mouvement de pendule de la corde gui les soutenait leur permettait d'arriver à portée... L'accident s'était produit entre 1 heure et 1 heure et demie, et c'est seulement à 3 h. 20 que l'attelage était délivré. Quelques-uns de ces pauvres animaux sont ainsi restés suspendus plus d'une heure.

Après le déjeuner, nous nous remettons en route. La neige est maintenant molle et unie; sur une pareille surface, il y a moins de chances de rencontrer des crevasses. Après leur chute, les chiens ne sont pas précisément brillants; de plus, la piste laisse à désirer; aussi leur allure est-elle lente.

A une violente tempête de Sud a succédé un magnifique soleil qui inonde la tente pendant que j'écris. C'est le jour le plus calme et le plus chaud depuis le début de cette expédition. Vingt kilomètres seulement nous séparent encore de Safety Camp ; demain nous y arriverons. Plusieurs chiens m'inquiètent. Nous aurons de la chance si nous n'en perdons aucun.

Mercredi, 22 février. — Maigres comme des lattes, très fatigués et toujours très affamés, les chiens marchent mal. Évidemment, ils ne sont pas assez abondamment nourris; l'année prochaine leur ration devra être augmentée et leur régime approprié aux circonstances. Le biscuit seul n'est pas un aliment suffisant. Meares s'entend parfaitement à la direction de la meute, mais il ignore les conditions régnant dans l'Antarctique. Les chiens ne peuvent traîner à la fois de lourdes charges et des hommes assis sur le traîneau; nous devrons donc abandonner la méthode russe et désormais courir à côté des attelages. Meares s'imaginait, je crois, que le voyage du Pôle, aller et retour, s'accomplirait, confortablement installé sur un traîneau tiré par des chiens. Cette première expédition lui a ouvert les yeux.

Vers 4 h. 30 du matin, nous arrivons de nouveau à Safety Camp (distance : 22 kilomètres), où nous trouvons le lieutenant Evans et son escouade en parfaite santé. Hélas! ils n'ont plus qu'un seul poney!

Wilson, Meares, Evans, Cherry-Garrard et moi sommes partis ce matin à 11 heures pour la pointe de la Hutte. Arrivés là, tous les incidents du jour pâlissent devant une surprenante nouvelle contenue dans le courrier que me remet Atkinson : Amundsen est installé dans la Baie des baleines!

Poursuivre l'exécution de notre programme comme si un fait nouveau ne s'était pas produit, c'est le seul parti à prendre. Certes, Amundsen est un concurrent sérieux et sa base d'opérations se trouve de 100 kilomètres plus rapprochée du Pôle que la nôtre. Son programme me parait excellent, et sa meute lui donne sur nous cet avantage capital de pouvoir commencer son voyage dès le début de la saison, alors que les poneys nous obligeront à partir plus tard;
 © Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p23

Sélection photos

Un poney prenant du whisky
Un poney prenant du whisky
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:23 
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p25
Craquelures dans la banquise produite par des pres...
Craquelures dans la banquise produite par des pres...
Ajoutée le 15/11/2014 à 15:10 
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p19
Meares et Demetri près du fourneau à graisse dans la...
Meares et Demetri près du fourneau à graisse dans la...
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:28 
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p30
Impressionant effet de soir
Impressionant effet de soir
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:27 
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p29
Le poney Michael se roulant sur la glace
Le poney Michael se roulant sur la glace
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:25 
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p26
Le cap Royds: vue prise vers le nord
Le cap Royds: vue prise vers le nord
Ajoutée le 31/01/2015 à 19:26 
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p28

Sélection vidéos


Agrandir la vidéo
Deux minutes dans le quotidien d'un machiniste sur la banquise

Depuis plusieurs années, Danic part travailler en tant que machiniste en Antarctique. Il participe ainsi au programme de recherche des Etats-Unis [Suite...]

Ajoutée le 24/04/2016 à 08:00 © NouvelObs Montage

Agrandir la vidéo
Stéphanie Gicquel a traversé l'Antarctique à pieds

Stéphanie Gicquel a traversé le continent Antarctique à pieds. Elle raconte son aventure dans un livre "Le défi across Antarctica".

Ajoutée le 03/06/2016 à 08:00 © Huffington Post

Voir aussi


Espace annonceurs


© 2023 www.club-des-voyages.com
Tous droits réservés.