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LE PÔLE MEURTRIER - Journal de route du capitaine Scott (1911-1912) |
Robert Falcon Scott (1868-1912), est un officier de la Royal Navy et un explorateur polaire britannique, considéré comme l'une des principales figures de l'âge héroïque de l'exploration en Antarctique, sur lequel il dirige deux expéditions : l'expédition Discovery (1901-1904) et l'expédition Terra Nova (1910-1913).
Au cours de la seconde, Scott mène un groupe de cinq personnes au pôle Sud le 17 janvier 1912. Pensant être les premiers à réussir cet exploit, ils découvrent que l'expédition norvégienne de Roald Amundsen les avait précédés de quelques semaines. Sur le chemin du retour, tous vont mourir d'épuisement, de faim et de froid.
Nous publions au format blog l'intégralité du journal de route du capitaine Scott lors de l'expédition Terra-Nova. Ce journal paru initialement en 1914, dans la revue "Tour du Monde", publiée sous la direction d'Edouard Charton (tome XX, nouvelle série, du n°2 au n°9).
I. — L'EXPÉDITION PRÉPARATOIRE (fin) 6/12
Antarctique
Samedi, 18 mars. - Encore du vent et de la neige. Tant que la mer ne sera pas recouverte d'une bonne banquise, nous ne serons point tranquilles.
Sous la poussée du vent du Nord qui a soufflé vendredi, la glace s'est amoncelée contre la pointe de la Hutte en un gros monticule. Ce matin, nous y avons vu un phoque. La présence d'un de ces animaux dans le voisinage immédiat de notre gîte est un symptôme excellent.
Lundi, 20 mars. - Dimanche matin, le vent a viré au Sud-Est et, toute la journée d'hier, a soufflé avec violence. La température est descendue à —23° et — 24°. Aussi sommes-nous demeurés dans la hutte ou dans ses environs immédiats.
Ce mauvais temps persistant soumet les chiens à de très pénibles épreuves. Nous nous sommes préoccupés de leur procurer une bonne installation, mais, le vent changeant constamment, il est impossible de les abriter de tous les côtés à la fois. Cinq ou six chiens vagabondent en toute liberté; nous n'osons cependant pas lâcher les plus vigoureux de la bande. Tous souffrent beaucoup du froid. Un petit chien blanc, tombé dans la crevasse à notre retour, est mort hier : dans sa chute il avait éprouvé des lésions internes, et la gangrène s'était déclarée dans une de ses plaies. Trois autres sont fort mal en point.
La jeune glace entassée près de la pointe de la Hutte n'a pas bougé et forme maintenant une petite plate-forme en saillie à la pointe. Nous y tuons deux phoques: nous voici donc avec une bonne provision de viande pour les chiens, et de graisse pour le poêle. Pendant que nous écorchons notre gibier, plusieurs autres de ces amphibies arrivent. A l'avenir, nous pourrons donc nous approvisionner ici.
Mardi, 21 mars. - Hier soir à 8 heures, le vent a viré au Sud et a progressivement augmenté. La mer brise sur l'icefoot; l'embrun passant par-dessus la pointe, retombe en pluie sur le toit de la hutte. Depuis notre arrivée ici, c'est notre troisième tempête de Sud. Dans ces trois circonstances, un navire n'aurait pu trouver un abri dans la baie. Or jamais, soit en 1902, soit en 1903, la Discovery n'avait essuyé pareil coup de vent. La neige qui recouvre l'icefoot est recouverte d'un dépôt saumâtre.
L'icefoot même sur la côte Sud-Ouest de la baie s'est effondré et la roche sous-jacente apparaît. Les traîneaux, les huttes ayant servi aux observations magnétiques(1), bref tout le matériel qui se trouve sur la pointe est recouvert d'un épais dépôt salin. Le glaçon sur lequel s'ébattaient des phoques a disparu. Donc, plus de provision de viande d'ici quelque temps!
Jeudi, 23 mars. - La glace ancienne et une bonne partie de la « jeune glace » demeurent fixes dans la baie de Pram Point. Phoques nombreux comme d'habitude. A midi, température : — 6°,6. L'après-midi, vent d'Est très frais ; le thermomètre baisse rapidement à —18° dans la soirée.
Vendredi, 24 mars. — Hier, promenade au pied des collines de l'Arrivée. Vent très frais; le soir, il mollit; toute la nuit suivante, calme avec température relativement élevée (-7°).Ce matin, chute de neige à larges flocons. La mer parait sur le point de geler. Maintenant que le calme est revenu, une mince couche de glace se forme, mais la température actuelle relativement élevée, n'en permet guère la croissance rapide; de plus, les mouvements de la marée ouvrent de nombreux canaux.
Samedi, 25 mars. - Pendant ces deux jours, temps chaud, avec ciel couvert,
ohutes de neige et brises légères. Hier soir, à la suite d'un vent de Sud, une éclaircie s'est produite et, ce matin, la mer est complètement libre dans nos environs! Quelle déception que cette disparition de la glace!
Notes
(1) Lors des hivernages de la Discovery de 1901-1904. (Note du traducteur.)
Sélection photos
Un phoque dans une fissure produite par la marée
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p31
Une grotte de glace dans un iceberg
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p21
Un iceberg en voie de démolition au milieu de la b...
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°2, p23
La débacle s'était produite (page 26)
© Le Tour du Monde 1914, Edouard Charton, tome XX, NS, n°3, p33
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